Le petit garçon de 3 ou 4 ans aime sa mère et déteste son père, considéré comme un rival. De même, la petite fille aime son père et rejette sa mère… qui l’empêche d’avoir son père pour elle seule. C’est la version simplifiée d’un ensemble de sentiments et d’affects vécus par tout enfant aux alentours de trois ans que Freud a nommé « complexe d’Œdipe » en référence à la légende que nous avons vue ensemble dans une précédente chronique psy.

 

© Magdalena Ponsort

 

Qu’est ce réellement que le complexe d’Œdipe ?

C’est un ensemble d’affects reliés ensemble et se produisant chez l’être humain vers l’âge de 3 ans, pour se terminer vers l’âge de 5 ou 6 ans. C’est une étape dans la construction psychologique et affective, dont la sortie permet la structuration et la maturation psychiques.

Passé dans le langage courant, le concept en est affadi.

Pourtant les sentiments vécus au cours de la période œdipienne sont puissants, imprégnés de contradictions et en grande partie fantasmés, donc exacerbés. L’enfant, n’ayant pas le recul de l’adulte, vit pleinement l’instant, débordant de passion non contrôlée, envahissante. C’est tellement violent et source d’angoisses qu’à la sortie, une grande partie des souvenirs de cette période sont refoulés : l’adulte ne se souviendra pas du tout qu’il a été amoureux de sa maman, ou qu’elle a été amoureuse de son papa, et réagira même souvent avec dégoût à cette idée là.

Le complexe d’Œdipe est un combinat de sentiments contradictoires d’amour et de haine envers les deux parents, tour à tour. L’enfant s’identifie au parent du même sexe, au point de vouloir être comme lui, au point de vouloir, pourquoi pas, le remplacer ! en particulier le remplacer auprès du parent du sexe opposé, objet de tous les désirs…

Le parent du sexe opposé est à la fois aimé et haï, parfois avec force : l’enfant le voudrait pour lui tout seul dans sa quête d’amour exclusif, mais il le déteste aussi, quand il n’apporte pas toute l’attention et l’amour souhaités ou quand il interdit quelque chose et ne cède pas. Le principal rival est alors le parent du même sexe, qui s’oppose par sa présence et son attitude au désir de l’enfant de prendre toute la place. Et parce qu’on ne peut pas détester totalement quelqu’un à qui on désire tant ressembler ! Compliqué…

En effet, le parent du même sexe est lui aussi aimé et haï : l’enfant s’identifie à lui, dans sa construction d’identité, et en même temps ce parent est un obstacle sur le chemin de la conquête de l’autre parent. Très compliqué…

C’est la période où l’enfant dit « moi, je » où il veut être partout, où il a des exigences, des colères. La période où il est dans un fantasme de toute-puissance.

Le danger pour lui est de devenir l’enfant roi, celui à qui on ne refuse rien, celui qui prend une place prépondérante auprès d’un des deux parents, ou des deux.  Il portera alors sur ses épaules une très lourde tâche, peut-être pour toute sa vie : le devoir de satisfaire son père ou sa mère, celui des deux qui lui octroie une place usurpée, qui ne devrait pas être la sienne. Accompagné d’un sentiment de culpabilité collé à sa peau.

Sortir du complexe d’Œdipe

Sortir du complexe d’Œdipe, c’est intégrer la notion de l’interdit  structurant, qui inclut l’interdit de l’inceste, fondateur.

C’est l’âge où l’enfant doit entendre : « non ! » pour que s’arrête la spirale destructrice à la longue des passions et des colères, et pour éviter l’installation d’une fixation névrotique. Un « non ! » ferme et définitif et dit avec amour.

L’enfant, rassuré sur son appartenance au triangle familial, dont il fait partie intégrante, apprend petit à petit à rester à sa place d’enfant, renonce à vouloir le pouvoir sur chacun de ses parents, à vouloir tout pour lui seul. Il se construit à partir de règles rassurantes qui apaisent toutes ces tensions anxiogènes. Son surmoi commence à se construire, qui lui permettra de vivre dans la société des êtres humains. Il sait qu’il construira plus tard lui aussi sa vie et qu’il quittera la matrice parentale.

La jalousie surmontée, le sentiment d’exclusion dépassé, le renoncement à être le préféré de maman ou de papa, l’émoussement de la haine ressentie comme honteuse, la diminution de la peur d’être puni pour avoir tenté de trahir le parent bien aimé, le renoncement à la toute-puissance des désirs face aux réalités qui s’imposent : on voit tous les bénéfices tirés d’un complexe d’Œdipe vécu, et dépassé dans la construction de l’adulte !

On voit aussi à quel point il peut y avoir des reliquats de cette période chez certains…car pour que l’œdipe joue son rôle structurant, il faut l’avoir dépassé !

Alors, qui n’a pas fini son Œdipe ??