En chaque femme, il y a une sorcière. Je vais essayer de vous démontrer la vérité de cette assertion, s’il en est besoin !

 

Femme Sauvage

La sorcière fait partie de l’archétype de la Femme Sauvage. Histoires, contes de fées, légendes, mythes nous racontent ce morceau de nous, irréductible, que nous retrouvons sous différentes formes.

Le mot sauvage est ici utilisé dans son sens originel, instinctif, proche de la nature profonde. Toute femme possède en elle cette Femme Sauvage. Elle se sent plus ou moins proche d’elle. Pour illustrer cet archétype, voici une histoire venue d’Amérique du Sud.

Histoire de la Loba

Une vieille femme vit dans un endroit caché dans la forêt.  Elle a une apparence presque animale, couverte de poils, fuit toute compagnie, pousse des cris plus animaux qu’humains. La Loba, tel est son nom, a pour travail de ramasser les os. Sa caverne est pleine d’os d’espèces de toutes sortes. Elle arpente les montagnes à la recherche des squelettes, spécialement ceux des loups. Lorsqu’elle parvient à reconstituer un squelette entier à partir des os trouvés, elle étale l’ossature de la bête devant elle, et chante. Au fur et à mesure que son chant s’élève, la cage thoracique et les os de l’animal se couvrent de chair, puis la fourrure pousse. Enfin, la Loba chante encore et l’animal respire. La loba chante et l’animal bondit sur ses pattes et file à toute allure, bien vivant. Puis cet animal, quel que part durant sa course, se transforme en femme, qui court en riant et en chantant.

Ce conte montre que cette vieille femme qui habite notre inconscient nous aide à ressusciter, autrement dit à nous retrouver, à revivre, par exemple après un deuil ou une épreuve, ou bien un changement, qui nous a éteint quelques temps. La vie est une continuité d’étapes qui nous font passer par des états émotionnels fluctuants. Nous vivons une succession de moments de forte énergie créatrice et de passages où l’énergie est endormie. Il y a aussi des moments de vie où un chagrin immense nous envahit, d’autres où des doutes existentiels nous empêchent d’avancer. Les tas d’os du conte sont symboles d’une vie asséchée, arrêtée, dispersée. Le travail de la sorcière qui est en nous consiste à réunir les morceaux éparses, à insuffler de nouveau le souffle de vie. Le chant symbolise l’âme que la vieille femme communique à ces os étalés devant elle. La vieille femme est pleine de sagesse, elle est celle qui sait. Elle n’a pas d’âge et se transmet de génération en génération, de femme en femme. Si nous accueillons sa présence, si nous l’écoutons, elle nous permet de faire le lien entre la réalité et l’imaginaire, elle nous permet de nous connecter à notre inconscient, elle nous aide à nous réparer de nos souffrances. Elle nous aide à nous familiariser avec la partie sombre de nous, celle qui nous fait si peur.

La sorcière est une figure archétypale. Un archétype est un mythe universel, véhiculé dans chaque culture, et qui appartient à l’inconscient collectif. C.G. Jung a particulièrement étudié les mythes et les archétypes. On trouve ces figures mythiques dans toutes les productions imaginaires de l’homme, depuis les contes, légendes, dans l’art en général, peinture, poésie chansons, jusqu’aux productions littéraires et cinématographiques d’aujourd’hui, très friandes de ces mythes.

Ce texte a puisé son inspiration dans un ouvrage d’une psychanalyste jungienne américaine, Clarissa Pinkola Estès : Femmes qui courent avec les loups, Grasset.