En Août 1909, Freud et Jung se rendent aux Etats-Unis ensemble, en paquebot (point d’avion de ligne à l’époque !), invités pour donner des conférences à l’université de Clark à Worcester.

Ce voyage est resté célèbre dans l’historiographie psychanalytique. En effet, les deux hommes sont alors très proches, et pensent qu’ils vont travailler ensemble de façon intensive.

Carl Gustave Jung, né en 1875, psychiatre suisse, de 19 ans le cadet de Freud (né en 1856) est un disciple, passionné par la nouvelle science découverte par Freud, et les immenses champs de connaissance qu’elle dévoile à ses yeux.

Sigmund Freud, neurologue viennois, a publié l’ouvrage fondateur de la psychanalyse : « L’interprétation des rêves » en 1900 (« die traumdeutung », nov 1899).

C’est dire si en 1909, peu de gens encore avaient entendu parler de l’inconscient, des étapes de la sexualité infantile, du Surmoi, du Moi etc…

Sur le paquebot, heureux d’être invités du « nouveau continent », les deux hommes ont de grandes discussions, analysent mutuellement leurs  rêves, et … se méfient rapidement l’un de l’autre !!

En fait, le voyage met en évidence les prémices de leurs futures dissensions.

Leurs deux fortes personnalités ne s’accommodent pas d’une relation de maitre à élève.

Leurs points de vue vont de plus diverger sur des sujets de fond.

Mais le voyage en Amérique reste un grand moment de la psychanalyse.

Freud est tout excité à l’idée de pénétrer sur ce continent, porteur pour lui comme pour ses contemporains de beaucoup de préjugés contradictoires : continent de la conquête, de la construction, mais aussi celui de l’argent facile qui corrompt tout.

Une phrase aurait été  prononcée par Freud en débarquant  dans le port de New-York :

« Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste. »

Devenue légende, cette phrase, dont personne ne peut dire si elle a été réellement énoncée par Freud, signifie à quel point la psychanalyse est alors vécue comme subversive, empêcheuse de tourner en rond, avec ses vérités pas toujours agréable à entendre, portant l’éclairage sur des zones d’ombre qu’on cherche surtout à masquer d’ordinaire ! Tous ces secrets révélés n’offrent pas toujours une vision très réjouissante de l’être humain.

Freud en est bien conscient, et sait que ses théories font l’objet de nombreuses résistances.

La « peste » fut distillée par lui en cinq conférences, publiées actuellement chez Flammarion sous le titre : « cinq leçons données àla ClarkUniversity » édition et nouvelle traduction : 2010.

Il relate les fondements de cette nouvelle théorie et de cette méthode d’investigation psychique et de guérison.

La première conférence commence ainsi (selon la traduction de l’édition ci-dessus citée)

« Mesdames et Messieurs ! c’est pour moi un sentiment nouveau et troublant que d’être en position de conférencier devant des désireux de savoir du Nouveau Monde. »

En cinq leçons, il évoque l’origine de la psychanalyse, avec l’élaboration de la pratique de la cure par la parole sous forme d’associations, l’importance du rêve comme voie royale vers l’inconscient, les fondements de la personnalité adulte nichés dans le développement psycho-sexuel de l’enfant, le destin de la pulsion, son refuge vers la fixation, et enfin l’importance du transfert dans le déroulement du travail analytique.

Sigmund Freud capte son auditoire, en allemand, sans lire aucune note, parlant de façon spontanée, claire et structurée.

Freud semble avoir été un grand orateur.

Cependant, sa modestie et son humilité ne le poussent pas à revenir ni à parcourir le monde pour donner sa « bonne parole ». Il travaillera surtout dans la solitude de son cabinet, partagé entre ses consultations et l’élaboration théorique de la psychanalyse.

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