Il y a bien longtemps, la famille des trois sœurs fut noble et riche. Aujourd’hui, le palais familial se délite et on le vend par petits bouts. Dans les appartements qui leur appartiennent encore, la vaisselle ancienne sort rarement du placard et les beaux meubles restent cachés sous des couvertures. Seule l’aînée, Noemi, rêve de reconquérir les lots cédés et la splendeur d’antan. Les deux autres s’accommodent de la déchéance sans trop y penser. Le sujet sur lequel en revanche toutes les trois s’accordent est l’amour imparfait. Pour Maddalena, qui s’adonne avec ardeur aux plaisirs conjugaux de la chair, le désir d’enfant est inassouvi. Pour Noemi, l’objet de l’amour est étrange et dédaigneux. Et pour la comtesse, la plus fragile, la vie se dilue entre flâneries rêveuses dans Cagliari et incapacité à gérer le quotidien. Le moindre objet lui échappe et se brise comme si ses doigts étaient faits de ricotta, ce qui lui vaut son surnom. Depuis que le père de son fils les a laissés, Carlino est devenu un petit être bizarre qui ne semble habile qu’au piano et qu’il faut constamment protéger. Les mauvaises langues prétendent que la comtesse a souvent des amoureux mais qu’on n’a jamais le temps de faire leur connaissance. Mais peut-être qu’avec le voisin qui veille sur eux par-dessus le mur du jardin, ce sera différent. Dans ce quatrième roman, Milena Agus nous emporte dans son univers si singulier où enchantement et désenchantement, illusions et désillusions, vont de pair.


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Milena Agus est née à Gênes et vit à Cagliari où elle enseigne l’italien et l’histoire. Le formidable succès critique et public de Mal de pierres, publié en France en 2007, se propage en Italie et dans la vingtaine de pays où elle est aujourd’hui traduite. Avec Battement d’ailes, Mon voisin, Quand le requin dort et aujourd’hui La Comtesse de Ricotta, Milena Agus poursuit sa route d’écrivain, inimitable.

L’écriture est légère, mais les désillusions et les désenchantements ne manquent pas dans ce roman aux couleurs fragmentées, dont la poésie du quotidien berce les pages. Un quotidien pas si rose pour les trois sœurs, pas très adaptées à leur époque, pas très ancrées dans la vie réelle, et qui songent plus d’une fois à en finir avec la vie. On aime parce que, plein d’espoir ou de désespoir, ce roman est une jolie galerie de portraits d’êtres singuliers, effleurés avec tendresse du bout de la plume, mais étudiés néanmoins en amont avec une grande acuité.

Liana Levi, 128 pages, 13.50 € (littérature étrangère)