Synopsis : Gauthier Valence (Lambert Wilson), acteur de cinéma et télévision (il joue le rôle principal d’une série télé apparemment très prisée) arrive à l’Ile de Ré, pour rencontrer Serge Tanneur (Fabrice Lucchini) afin de lui proposer un rôle (lequel ?) dans Le Misanthrope » de Molière, qu’il a décidé de monter dans une salle de théâtre parisienne.

Serge a été un grand acteur, mais a quitté le milieu, qu’il trouve exécrable (« tous des traîtres, personne à qui se fier, ne pensent qu’à leur profit personnel »),pour y vivre en reclus depuis 3 ou 4 ans. Gauthier a de l’admiration pour Serge, issue de leurs anciennes collaborations cinématographiques, et insiste pour qu’il accepte de jouer le rôle. Serge, forcément attiré, ne veut pas céder si facilement.

Argument : Gauthier reste une semaine à l’Ile de Ré, pendant laquelle se tisse un immense jeu de pouvoir et de séduction entre les deux hommes, sans cesse renversé et remis en question.

Les deux rôles du Misanthrope :

Alceste : en colère contre le genre humain, lucide et en même temps rigide, extrémiste dans ses propos, ô combien justifiés par l’observation des comportements de ses (nos) contemporains. Mais finalement agaçant de tant d’inflexibilité : est-il aussi intraitable avec lui-même ?

 Philinte : plus modéré en apparence, mais tout aussi lucide, voire encore plus. Cependant, Philinte estime que l’on peut faire quelques concessions de forme, être aimable, même si l’on en pense pas moins. Philinte est sans doute le comble du cynisme ! et plus proche de nos attitudes de tous les jours.

Molière a cependant fait la part belle à Alceste, premier rôle ; celui de Philinte étant plus accessoire, un peu « faire-valoir » d’Alceste, et n’apparaissant que dans 5 scènes (dit Serge dans le film)

Gauthier et Serge seront tour à tour Alceste et Philinte. Ils en décident ainsi, et pour les répétitions, ils tirent au sort.

Dans le même temps, la vie autour des deux acteurs se crée au fur et à mesure : visites d’appartements à vendre, rencontre d’une italienne, d’une jeune actrice de films X… Entre eux, se dessine un jeu complexe sans cesse en mouvement : qui est le plus misanthrope ? qui se sent le plus Alceste ? qui domine l’autre ? qui prend le pouvoir, qui le laisse, puis qui le reprend ? des colères d’hommes d’une génération mûre, et puis finalement, le sentiment de trahison sera le plus déterminant, et amènera la solution aux deux questions qui se posent depuis le début : qui va jouer Alceste ? est-ce que Serge acceptera de revenir à la scène ?

Le texte de Molière se fond dans le jeu des deux personnages, et l’interrogation a lieu du début à la fin : qui est le plus Alceste des deux ? la réponse n’est pas évidente, chacun évoluera au cours du film.

Si l’on aime ces deux acteurs, le jeu est splendide. Leur vraie personnalité est sans cesse sollicitée, et de la part de chacun d’eux, une certaine distance et un humour moqueur (les scènes de la série télé du « chirurgien du cerveau : Lambert Wilson » , sont édifiantes) Ce regard des deux acteurs, chacun sur lui-même et sur l’autre, ainsi que sur leur métier, me semble être en filigrane, le vrai sujet du film. Un film passionnant et complexe.

Avec des questionnements soulevés subtilement : qu’est ce que la séduction ? qu’est ce que la réussite ? que signifie la reconnaissance ? où la cherche-t-on ? comment se protège-t-on le mieux ? admet-on le plaisir à voir l’autre dans son humiliation ?

PHILINTE

Non, tout de bon, quittez toutes ces incartades.
Le monde par vos soins ne se changera pas ;
 Et, puisque la franchise a pour vous tant d’appas,
Je vous dirai tout franc que cette maladie,
Partout où vous allez, donne la comédie,
Et qu’un si grand courroux contre les moeurs du temps.
Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens
 

ALCESTE

Tant mieux, morbleu, tant mieux ! c’est ce que je demande.
Ce m’est un fort bon signe, et ma joie en est grande ;
Tous les hommes me sont à tel point odieux
 Que je serais fâché d’être sage à leurs yeux
 

PHILINTE

Vous voulez un grand mal à la nature humaine
 

ALCESTE

Oui, j’ai conçu pour elle une indicible ? effrayante ? effroyable ? haine
 

Quel est le mot d’Alceste ? indicible ? effroyable ? effrayante ? Courez à vos classiques pour trouver la réponse ! Et allez voir ce film, vous y trouverez également la réponse. Vous y verrez deux acteurs maniant le langage et le jeu avec beaucoup d’interrogation et d’amour, jouant leur propre rôle, leur propre personnage, leur propre vie, peut-être, imbriqués dans la pièce de Molière comme dans la trame du film.