
L’un des thèmes incontournables que l’on rencontre dans les séries télévisées est l’amour. Les relations amoureuses, compliquées souvent, amusantes, dramatiques parfois, extravagantes presque toujours, peuvent même nous faire détester ou adorer une série. Et on finit parfois (souvent ?) par tellement s’attacher aux personnages et à leurs relations, que l’on ne transige pas sur le dénouement de leur relation : elle doit trouver un happy end !
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Dans une interview donnée au Guardian et publiée sur le site Internet du journal le 3 juillet 2017 l’auteure de Sex and The City, Candace Bushnell, a expliqué que dans la vraie vie Carrie et Big n’auraient jamais fini ensemble. WTF ??!! En tant qu’ex-téléspectatrice de la série je m’insurge ! On aurait pu ne pas avoir de happy end à une histoire d’amour de série télé ? Uniquement si les scénaristes avaient voulu créer une histoire réaliste, donc, d’après Candace Bushnell. L’auteure à succès de préciser que les personnages étaient devenus des produits de séries télé et que les fans n’auraient pas accepté qu’il n’y ait pas de happy end entre Carrie et Big. Tu m’étonnes !
Amours contrariés en série
Qui prétend vouloir regarder des histoires d’amour réalistes dans les séries télé ?
Observer un couple se lever le matin, se dire « bonjour », préparer le petit-déjeuner, petit-déjeuner, se doucher, s’habiller, aller au travail, travailler, s’envoyer un sms pour se raconter une anecdote ou s’envoyer des bisous virtuels, prendre chacun sa pause déjeuner, s’appeler pour se raconter sa matinée, reprendre le travail, quitter le travail, se rejoindre à la maison, se raconter son après-midi, préparer le dîner, dîner, regarder la télé, lire, faire l’amour, dormir… Éventuellement se disputer de temps en temps, faire l’amour en plein jour parfois, faire les courses, sortir avec des amis aussi… Vous vous êtes ennuyée en lisant ce paragraphe, moi, en l’écrivant. Alors, sous forme de série télé de plusieurs fois 10 ou 20 épisodes… Non, on ne veut pas une histoire d’amour réaliste dans une série télévisée. On veut de l’action, de la passion, des complications, du sexe débridé, des tergiversations… Ça doit faire pleurer, faire rire, nous tenir en haleine. C’est la loi du divertissement.
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On regarde une série télévisée pour s’évader, vibrer – et notre panel d’émotions étant relativement considérable, il nous en faut pour notre capacité à ressentir. Contrairement à ce qui nous convient dans la vraie vie, souvent. C’est un peu ça, l’idée. On ne va quand même pas être triste POUR DE VRAI ?! Alors qu’on a Ally McBeal, Buffy Summers, Rory Gilmore, Belle, Spencer Hastings, Elena Gilbert, April Kepner, Elizabeth Keen… Nous, on s’installe confortablement dans notre fauteuil préféré et on vit des complications sentimentales par procuration. On rit, on pleure, on attend, on espère… Puis on éteint la télévision. C’est du safe love ! De l’amour sans risques. Puisqu’il ne nous viendrait pas à l’esprit de finir seule dévorée par nos 17 chats dans notre petit T2 en ville, on est tout à fait d’accord pour vivre de vraies histoires d’amour avec de vraies personnes. Normales. En plus (de celles de nos personnages favoris). Et donc, en plus tranquille. C’est assumé : pour notre petit cœur, c’est préférable de se cantonner aux histoires d’amour « classiques ». Et si, d’aventure, on s’ennuyait, on pourrait toujours rallumer la télévision. Et prendre notre petite dose d’histoire d’amour invraisemblable mais tellement passionnante.
Les films X nous vendent du sexe too much ? Et bien c’est pareil avec les histoires d’amour dans les séries télévisées. (Si, si, la comparaison est pertinente.) On veut que les histoires d’amour de nos séries télé favorites soient too much. Extravagantes. Différentes. Impressionnantes. Captivantes. Irréalistes en fait ?
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Si on y réfléchit bien, je crois même que Carrie et Big se seraient certainement séparés définitivement avant la fin de la saison 6 dans la vraie vie. Mais c’est aussi pour ça, il me semble, que l’on aime suivre les histoires d’amour de nos personnages préférés dans les séries télévisées. Parce qu’elles sont irréalistes. Voyez Blair et Chuck dans Gossip Girl : ils se sont séparés maintes fois, et se sont (surtout ?) fait endurer l’un à l’autre un nombre incalculable de coups tordus (vous souvenez-vous de la fois où Chuck a échangé Blair contre un immeuble, par exemple ?). On parle de Cookie et Lucious dans Empire ? Il a quand même laissé sa femme – et mère de leurs 3 jeunes enfants – purger une peine de prison de 17 ans pour trafic de drogue afin de le couvrir (ils faisaient du trafic de drogue ensemble, certes, mais il n’a pas tenté de partager la peine de prison de sa femme non plus). Sans compter les trahisons et autres cruautés qu’ils se font endurer l’un à l’autre continuellement. Pourtant, ils s’aiment comme au premier jour et ça crève l’écran. Il y a eu aussi les affres de Meredith et Derek dans Grey’s Anatomy : je t’aime, je suis marié, je suis suicidaire, je tente de t’oublier, ne m’oublie pas, je divorce, je suis compliquée, on se marie et on fonde une jolie et grande famille. Leur histoire d’amour compliquée et passionnée nous a occupées pendant pas mal de saisons. Même Raymond et Huguette de Scènes de Ménages se comportent l’un avec l’autre avec mesquinerie, voire cruauté, et cela semble consolider leur histoire d’amour en fait. Too much et encore too much.
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Amour en série = Happy end
Ceci dit, une fois qu’on s’est, vicieusement, délecté des bassesses, joies, peines, complications et autres déboires sentimentaux de nos personnages de série télé favoris, il nous faut un happy end ! On est d’accord pour qu’ils morflent, mais on veut tout de même que tout finisse bien pour eux. On n’est pas des monstres. Parce que si Carrie et Big, Blair et Chuck ou bien Cookie et Lucious peuvent finir ensemble, alors tout est possible, en amour. Et l’optimisme, dans la vraie vie, entre deux relations désastreuses, deux disputes, deux séances de psy éprouvantes, est une nécessité absolue. Comment se lancer dans une histoire d’amour – dans la vraie vie j’entends – donc, si on ne croit pas qu’elle peut être jolie, enrichissante, pour la vie ? Selon ce que l’on recherche. (Un peu comme quand on regarde un film X on a envie de croire que se plier en trois, avec la tête à gauche, un pied en l’air, les jambes à gauche, le cou tourné à 180°, ça peut nous conduire à l’orgasme… Pour continuer avec ma pertinente comparaison.) Bien sûr, on peut aussi observer la belle histoire d’amour de plus de 40 ans de nos parents pour se rassurer avant de se lancer dans nos propres histoires. Mais s’il s’avère que nos parents ont divorcé, on se rabattra sur Raymond et Huguette. C’est mieux que rien.
D’un point de vue plus pragmatique, on ne passe pas 20 fois 40 minutes pendant 6 ans devant notre télévision (multiplié par le nombre de séries regardées) pour un final déprimant et pour qu’une relation, dont on a suivi l’évolution, se termine. Un « tout ça pour ça ? » ne peut être une conclusion satisfaisante. On en veut pour notre temps ! En outre, si on veut avoir peur, déprimer, on ne regarde pas Sex and The City ni Empire. On se lance plutôt dans American Horror Story, Penny Dreadful, The Leftovers…
Je répondrais donc à Candace Bushnell que le happy end entre Carrie et Big était une évidence. Pour tout ce que je viens d’écrire plus haut. Pour l’optimisme, pour les fans, pour le temps et la place qu’on leur a accordés dans nos vies.
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