BIOGIRL

C’est le titre d’un film américain qui sortira dans les salles l’été suivant. Ou ça pourrait, en tous cas. Non, c’est juste le titre de mon article en fait. Pour vous raconter les fabuleuses et non moins fascinantes aventures d’une femme écolo, Bio Girl (moi).

Parce qu’être une Bio Girl, ça ne s’improvise pas

On naît toute nue, certes, mais dans un établissement (public ou privé) fait de béton, et peut-être même isolé avec de l’amiante, décoré de peinture au plomb, sans aucun doute éclairé à l’énergie nucléaire. Et on naît avec l’aide d’un corps médical (plus ou moins bien rémunéré – mais là n’est pas la question) vêtu de tissus en coton, voire, pire, en polyester, fabriqués avec je-ne-sais-quels-produits-chimiques à grande échelle par des Chinois de 5 ans – sûrement – transportés dans des bateaux se mouvant grâce au pétrole. Et ça ne s’arrête pas là !

On rentre à la maison, nourrisson innocent mais déjà moins bio, vêtu de notre premier body en coton écologique (offert par grand-maman et qui lui a coûté un bras et lui fait prendre conscience soudainement de ce que sera sa vie de grand-maman à présent : dépenses folles et envies de se faire porter pâle pour la 7ème soirée de baby-sitting de la semaine), transporté dans le tout nouveau sac de portage éthique, équitable et fait main par des femmes qu’on a (ouf) sorties de la misère grâce à ce nouvel emploi de couturière pour cette fameuse marque éthique, des tout frais parents, et dans la voiture (ai-je besoin de préciser que les pièces sont fabriquées sur un autre continent, que le pétrole qui la fait avancer vient d’un 2ème contient, et qu’elle finira sa vie sur un 3ème continent, après avoir baladé nos parents adorés d’une banlieue à un centre ville bondés sur le continent n°4 ? Reste l’Océanie en fait. Bref.) Bio Baby fait déjà moins la maline !

OK, le lait maternel est relativement bio, puisque Mum ne boit-plus-fume-plus-mange-plus-de-saucisson depuis 2 jours déjà, les compotes pré-machouillées sont bio, les petits-suisses aussi, et les darons font pousser des légumes rien que pour nous dans le potager-derrière-la-maison-au-bord-de-la-N20 (si peu fréquentée… par les insectes pollinisateurs par exemple.) Même nos jouets (les 1ers en tous cas) sont bio, en bois, éthiques, équitables, faits main, sans paraben (mais avec un truc pire ?), et tout le tremblement.

Sans parler de la déco de la baby chambre : peinture bio, colle qui ne colle pas ni ne dégage de COV dans l’atmosphère, meubles montés à l’extérieur et aérés avant démontage et remontage dans notre jolie chambre parce que ça ne passait pas par l’escalier, ni la porte, ni la fenêtre, ni nulle part.

Même Papa utilise son smartphone à au moins 67,24 centimètres de notre si jolie petite tête.

Être une Bio Girl ça demande de l’endurance

Puis la Bio Girl devient un jour une adolescente. Adieu bio, éthique, équitable. L’ado n’est PAS bio. L’ado aime : les ados, les fringues pas chères, le maquillage voyant, les trucs qui brillent, les ados, les chaussures qui font mal aux pieds, changer de vernis à ongles tous les jours, et de coupe de cheveux aussi souvent, les ados, les bains qui puent l’usine de confiseries

Et on a beau essayer, non, en fait, on n’essaie pas quand on est ado (dans les années 90). Du coup, faut tout refaire à partir de 18 ans. Voire un peu plus tard, selon la période d’incubation de l’adolescence, qui peut varier de quelques semaines à quelques années selon les sujets.

Être une Bio Girl demande aussi des efforts

Vient l’âge adulte de la Bio Girl. Les efforts des parents avant, pendant et après notre naissance ? Envolés. Plus qu’à tout reprendre. Parce qu’entre temps, la bio-sphère (pas celle de l’espace, le monde du bio en général quoi) a évolué, voire carrément changé. Ce qui était bio ne l’est peut-être plus, et être bio demande de l’adaptation, et donc de nombreux efforts.

Il faut d’abord revoir toute la déco de la bio-home (ou du bio-studio – puisque, rappelons-le, Bio Girl a environ 18 ans – voire de la bio-chambre-de-9-mètres-carrés-avec-les-parties-communes à Paris). Une Bio Girl a besoin d’un bio-environnement. Les meubles bon marché étant rarement fabriqués sur place avec du bois coupé sur place et avec des colles et autres boulons eux-même conçus sur place (en France quoi), il faut TOUT revoir. Oui, mais voilà, la Bio Girl n’est pas riche. Elle commence ou continue ou vient juste de terminer ses études, et elle a, pour subvenir à ses bio-besoins, l’aide de ses (ex-bio) parents, de la CAF et / ou son petit salaire de job-à-mi-temps-chiant-mais-utile.

Donc, la Bio Girl doit s’adapter. Elle choisit alors soit : de repeindre un de ses meubles dans une jolie bio-peinture (ça devrait suffire à bioiser ce meuble-là) ; d’acheter un meuble en vrai bois Made in France (ou Made in un pays équitable), mais tout petit alors ; ou encore de se laisser pousser les cheveux, de ne plus les démêler et de porter exclusivement des vêtements larges et colorés. Dans ce dernier cas, tout le monde devrait la cataloguer au 1er coup d’œil comme hippie, donc défoncée au shit, donc bio. Le hic ? Le shit, c’est mauvais pour la santé, la réputation, la mémoire et les cheveux longs ça ne sied pas à tout le monde. Et pour trouver un stage dans une banque, un cabinet d’avocats, ou une entreprise tout court (pas bio généralement), les sarouels et spartiates aux orteils bleus congelé en hiver, ça n’aide pas.

Les bio-étudiantes les plus chanceuses ont réussi à remplacer les yaourts-périmés par des yaourts-périmés-bio et le shampoing-paraben-cheveux-normaux par du shampoing-bio-cher-cheveux-bio.

Et de la bonne volonté

La Bio Girl est redevenue (relativement) bio, tout va bien (mieux). Mais les tentations ne manquent pas, même pour la Bio Girl !

Un emploi, pour une Bio Girl, ce n’est pas seulement l’indépendance vis-à-vis des parents, c’est le monde du bio tout entier qui s’offre à elle et lui ouvre même grand ses bras bio. Cosmétiques, alimentation, déco, mode, vacances, loisirs, du bio, rien que du bio.

Mais la Bio Girl vit dans un monde où le règne du bio n’est pas (encore) à l’ordre du jour, et à moins de s’exiler (on se demande bien où, d’ailleurs, de nos jours en fait), elle doit faire face à tout un univers de non bio qui essaie de s’attirer ses faveurs. La Bio Girl est même LA cible préférée du Monde Du Non Bio. Elle est redevenue vierge de toute pollution, elle a donc (potentiellement) augmenté sa résistance aux gly-F746XF9 et autres para-WE35HP8 qui essaient de se faire passer pour des aliments, des produits lavants, et autres ingrédients normalement présents dans notre organisme et inoffensifs.

Pourquoi la Bio Girl serait-elle tentée, me direz-vous ? Parce qu’ils savent y faire, les Non Bio. Et ils sont partout. La Bio Girl a forcément déjà goûté à la cantine, au restau, en soirée (étudiante) de nombreuses gourmandises non bio et tellement sucrées-salées-grasses-colorées qu’il est tentant d’y goûter à nouveau.

Résiste ! Prouve que tu es bio. Cherche le naturel partout. Va. Refuse les pesticides et autres additifs. Résiste. Suis ton cœur et tes convictions. Bats-toi, mais à l’insecticide naturel. Résiste.

La Bio Girl tombe amoureuse

Bio Girl est devenue une femme bio assumée. Et elle rencontre un jour son Amoureux. Et imaginez que Bio Boy soit un capitaliste magna du pétrole et collectionneur de défenses d’éléphants et de nageoires de requins fin gourmet consommateur de tortues en voie d’extinction (oui, il ne mange que les espèces en voie d’extinction, c’est plus goûteux) ? Bio Girl est alors face à un (nouveau) choix : changer de boy ou transformer celui-ci. Réponse facile. Il faut faire de Pétrole Boy un Bio Boy ! Bio Girl a déjà réussi à se rebioiser elle-même après le difficile passage aux produits chimiques de l’adolescence, elle n’a donc aucunement peur des défis. Il ne manquerait plus que ça !

Comment rendre son Amoureux tout beau tout bio ? Plusieurs options. 1° Le chantage. Classique. Simple. Efficace. Relativement rapide. Tu veux voir ma petite culotte ? Jette d’abord (dans la déchetterie appropriée et après les avoir triés) tous tes produits nocifs pour l’environnement ! 2° La force de conviction. Plus fair-play. Plus lent aussi.

Il s’agit de démontrer, d’expliquer, de prouver, de raconter au charmant garçon en question comment manger des tomates qui ont poussé sur le balcon en juillet c’est meilleur au goût, plus agréable (pour l’ambiance), plus respectueux de la planète que les manger en hiver, cultivées hors sol à l’autre bout du globe (ou de l’Europe). OK, la tomate est moins ronde, moins rouge, ne mesure pas 7 centimètres de diamètre très exactement, mais c’est une vraie tomate. C’est la partie facile, la nourriture, je veux dire. Qui a déjà goûté une vraie tomate reconnaît sans difficulté que toutes les autres ne valent pas une goutte de vinaigre balsamique (bio) ni le début du commencement d’une feuille de basilic (bio).

Je suis obligée d’avouer que convaincre Amour que porter des boxers en coton bio fabriqués en France à 35€ l’unité est nécessaire à la sauvegarde des tigres de Sumatra demande un peu plus de dextérité. Et de patience. Surtout si Amour n’est pas otarie-phile.

Quelques idées ? Lui faire regarder tous les DVD de Yann Arthus-Bertrand. L’emmener en vacances wwoofing dans une ferme bio. Porter un string en coton bio sous une robe sexy en polyester recyclé avec des escarpins à talons aiguilles 100% cuir naturel. Étaler sos connaissances sur les espèces animales et végétales en voie d’extinction ou menacées par les activités de l’homme. Passer tous les jours en vélo devant la décharge la plus proche de la maison. Et s’offusquer des odeurs, de la pollution, etc. Amour devrait céder, soit parce qu’il en aura marre d’entendre sa bio-petite-amie lui rabâcher la même chose sans arrêt, soit parce qu’il aura épousé ses idées !

Et la Bio Girl fait elle aussi des bébés bios

Bio Girl et Bio Boy sont donc enfin d’accord. Et ils font quoi après ? Ils s’envoient en l’air (dans des draps en pur coton biologique) et se mettent à vouloir fabriquer des bébés ! Et là, comme les parents de Bio Girl (ex bio – avant, pendant et après la venue au monde de Bio Girl, je vous le rappelle), ils veulent, bien entendu, des bébés BI-O.

Je vous laisse revenir au 1er chapitre de cet article, la boucle est bouclée, Bio Girl et Bio Boy, maintenant Bio Époux (je vous ai parlé de leur bio-mariage ? Des fleurs coupées remplacées par des fruits disposés dans des vases comme centres de tables ? Des décos réutilisables ensuite dans leur bio-home-sweet-home ? Des cœurs, nappes et serviettes en papier recyclés après la soirée ? De la robe et du costume sur-mesure donc pas fabriqués en Chine par des enfants de 5 ans ?) veulent bio-procréer. Et chaque nouveau bio-bébé devrait, si tout fonctionne comme leurs bio-parents l’ont espéré pour eux, être un peu plus bio que ceux de la bio-génération précédente. Et nous aurons bientôt une toute heureuse bien plus bio-planète. On se le souhaite ! Merci qui ?

Image à la une : © Manon Godard

Rédigé par

Marie-Aube

Rédactrice web et print indépendante depuis plus de 10 ans, auteure et blogueuse, passionnée par l’écriture. So What ? est mon blog, engagé, féminin, créatif, drôle et sérieux.