
Dans son nouveau rapport intitulé « Érosion de la nature et émergence de pandémies », le WWF met en évidence le lien existant entre la destruction de la planète et l’émergence de nouveaux virus dits « zoonoses », ces maladies infectieuses transmissibles de l’animal à l’Homme.
La crise du COVID-19 que nous connaissons actuellement est dite « sans précédent ». Pourtant, rappelons que le coronavirus fait tout de même suite à un certain nombre d’autres maladies : Ebola, le SRAS, la grippe aviaire, la « vache folle », la grippe porcine, le Sida. Le point commun entre toutes ces maladies ? Toutes sont d’origine animale. Alors, quels facteurs sont à l’origine de l’épidémie du COVID-19 ? Que faire pour éviter de prochaines pandémies mondiales ? Pourquoi la protection de la nature et de la biodiversité est-elle essentielle à notre propre survie ? Revenons sur les leçons à tirer de cette crise mondiale.
Quelles sont les origines possibles et les conséquences de ces nouveaux virus ?
Avant toute chose, rappelons-nous que dans leurs milieux naturels, les virus ont leur fonction. Ils remplissent une tâche essentielle en régulant des populations d’espèces pour assurer leur équilibre au sein des écosystèmes. Ainsi, un virus en équilibre avec son espèce hôte ne provoque pas de mortalité excessive chez cette espèce. En effet, la disparition de cette dernière signifierait également la mort du virus lui-même étant donné qu’il ne peut survivre et se reproduire de manière autonome. Mais, dès lors que le virus mute au point de pouvoir infecter une nouvelle espèce, cet équilibre peut être temporairement perdu. Ainsi, le taux de mortalité chez la nouvelle espèce hôte peut être beaucoup plus élevé jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit atteint.
Les émissions de gaz à effet de serre ont déjà provoqué une augmentation des températures moyennes mondiales et les conséquences de la crise climatique tendent à s’aggraver. Environ un million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction. Mais la destruction de la planète et les modifications des écosystèmes provoquées par l’activité humaine, ne portent pas uniquement préjudice à la biodiversité. Aujourd’hui, elles représentent également un danger pour la santé humaine.
Les changements d’utilisation des terres, y compris la déforestation et la modification des habitats naturels, sont considérés comme responsables de près de la moitié des zoonoses émergentes, déclare le WWF.
Alors comment l’érosion de la nature peut-elle être à l’origine de nouveaux virus ? Pour l’ONG, plusieurs facteurs entrent en jeu lorsqu’il s’agit de comprendre la propagation du COVID-19 et autres maladies infectieuses.
La déforestation et l’élevage intensif
Tout d’abord, il faut savoir que la déforestation et la surexploitation des sols au profit de la monoculture et de l’élevage intensif, détruisent les habitats de nombreuses espèces sauvages. Leurs milieux naturels bouleversés, ces animaux sauvages n’ont alors pas d’autre choix que de se rapprocher des zones habitées pour trouver leur nourriture. Les populations locales chassent et revendent ensuite plus ou moins légalement de la « viande de brousse » sur les marchés de plus grandes villes. Les virus dont ces animaux sauvages sont parfois porteurs, se retrouvent alors dans un environnement propice à leur développement et à leur propagation.
Les forêts tropicales, en particulier, abritent des millions d’espèces. Or, nombre d’entre elles ne sont même pas encore connues des scientifiques. On y trouve notamment des bactéries, des champignons, des parasites et… des virus. Si la plupart sont inoffensifs, d’autres en revanche, auraient la faculté de muter rapidement pour pouvoir infecter d’autres espèces. Ainsi, des virus comme Ebola, le VIH et maintenant le COVID-19, ne seraient finalement qu’un aperçu d’une quantité indénombrable d’autres virus capables de se transmettre aux Hommes.
En Amazonie péruvienne, par exemple, il a été prouvé que les sites déboisés par rapport aux forêts encore intactes présentaient une densité plus élevée de moustiques susceptibles de transmettre le paludisme. À Bornéo, la déforestation a elle aussi été liée à l’augmentation des cas d’un nouveau type de paludisme. La destruction de la planète et dans ce cas précis, la déforestation, nous porte donc directement préjudice.
Le commerce illicite d’animaux sauvages
Parallèlement à l’érosion des écosystèmes naturels, le commerce illégal ou incontrôlé d’animaux sauvages et les conditions insalubres dans lesquelles ces espèces sont commercialisées, nous rapprochent là aussi dangereusement de nombreux microbes et potentiels virus dont ils peuvent être porteurs.
Prenons l’exemple du marché de Wuhan, foyer présumé de naissance du COVID-19. Ce marché rassemble de nombreuses espèces qui, sans intervention de l’Homme, ne se seraient probablement jamais croisées dans la nature. Les risques de mutation et de transmission de virus sont alors accrus : mammifères, oiseaux, reptiles et autres espèces en tout genre se retrouvent concentrées au même endroit, dans des conditions sanitaires favorables au développement de nouvelles maladies. Or, une fois adapté à l’espèce humaine, le virus se transmet rapidement d’homme à homme jusqu’à devenir pandémique.
Selon le WWF, le commerce illégal d’espèces sauvages représenterait entre 7 et 23 milliards de dollars américains chaque année : il s’agit du quatrième marché clandestin le plus rentable au monde après le trafic de contrefaçons, de drogues et de personnes , explique l’ONG. Prenons l’exemple des pangolins, suspectés d’être vecteurs du COVID-19. Très recherchés pour leurs écailles utilisées en médecine asiatique et pour leur viande très prisée par certaines communautés asiatiques et africaines, ils sont aujourd’hui menacés d’extinction. C’est pourquoi le commerce international de pangolins a été interdit en 2016. Le COVID-19 ne serait donc que la conséquence d’un commerce qui se poursuit bel et bien en toute illégalité.
La mondialisation
Bien sûr, les modes de transport actuels qui favorisent la possibilité d’un trafic plus répandu de ces animaux entre des pays éloignés, mais aussi la vitesse à laquelle nous nous déplaçons nous-mêmes d’un continent à un autre, n’arrangent pas les choses. La crise du Covid-19 prouve d’ailleurs à quelle vitesse les épidémies peuvent se propager dans notre monde de plus en plus connecté, jusqu’à se transformer en pandémies mondiales.
Les zoonoses sont aussi aggravées par des modes d’alimentation et de consommation non durables qui tendent généralement à donner priorité à la croissance économique plutôt qu’à l’équité sociale et à l’écologie. La destruction de la planète, la mondialisation des échanges, le transport aérien et le réchauffement climatique favorisent donc ensemble la propagation de virus.
Destruction de la planète et émergence de nouveaux virus : quelles leçons tirer de la pandémie du COVID-19 ?
Prendre pleinement conscience du rôle indispensable de la nature dans la prévention de crises sanitaires
Au cours de son histoire, l’Homme a toujours chassé les animaux sauvages pour se nourrir. Aujourd’hui, la consommation de viande, notamment celle des animaux sauvages, connaît une croissance exponentielle dans de nombreuses régions. Or, si celle-ci constitue un moyen de subsistance dans de nombreuses zones pauvres et rurales, elle entretient en revanche un trafic illégal et lucratif, dangereux pour tous, dès lors qu’elle est transportée et revendue plus chère à l’international.
Ce n’est qu’en prenant conscience de l’importance de l’équilibre des écosystèmes et en considérant la puissance de la nature à sa juste valeur que nous pourrons assurer notre avenir. C’est en prenant soin des écosystèmes que nous pourrons finalement bénéficier des services qu’ils nous fournissent, notamment celui de réguler les maladies. Ainsi, les risques de zoonoses devraient davantage être pris en considération dans la gestion de l’aménagement des territoires.
Adopter des mesures drastiques pour protéger les écosystèmes
Il faudra conjuguer les efforts de tous pour résoudre efficacement le problème. Il est essentiel de prendre des mesures drastiques afin de réduire le risque de nouvelles pandémies. La répression du commerce illégal d’animaux sauvages, la fermeture des marchés non réglementés, la restauration des écosystèmes dégradés et la préservation de ceux qui sont toujours intacts, sont des mesures cruciales pour notre avenir. L’investissement dans les forêts, l’agriculture durable, la réduction de la densité des élevages et donc la réduction de notre consommation de viande sont autant de solutions bénéfiques pour la biodiversité et notre santé.
De toutes les maladies émergentes, les zoonoses représentent l’une des pires menaces pour la santé humaine. Recensées à plus de 200 par l’OMS, elles infectent chaque année environ un milliard de personnes et provoquent des millions de décès, sans compter l’impact socio-économique qu’elles engendrent. La destruction de la planète, la mondialisation et la circulation toujours plus importante d’hommes et de marchandises aggravent notre impact écologique et contribuent à la diffusion de maladies émergentes à grande échelle. Mais il est désormais clair que la santé des hommes va de paire avec celle de la planète. Ce n’est qu’en reconnaissant pleinement l’interdépendance existante entre santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes que nous pourrons protéger notre espèce des effets des pandémies et garantir notre avenir. Ensemble, protégeons la nature et la biodiversité pour mieux nous protéger nous-mêmes.
Bel article . Informations inédites. Quel avenir si……..?
Maurice
Bravo pour cet article ! Tellement clair et percutant.